Dans mon dernier post, tentative de définition d’un livre enrichi, j’annonçais le prochain : les difficultés, voire l’impasse en terme de distribution d’un livre enrichi sous forme applicative.
Evan Schnittman de Bloomsbury a alimenté un sacré buzz en annonçant ce lundi à la London Book Fair la mort du livre enrichi avec un slide affichant une pierre tombale :
Son point de vue, repris par Thebookseller.com : l’enrichissement a un avenir dans les livres éducatifs, mais il est voué à l’échec dans la non fiction. Les e-books qui performeront seront les bestsellers papier.
Je nuancerais ses propos car c’est bien dommage d’être si peu imaginatif:
- Oui, les e-books qui performent le mieux sont et seront les bestsellers papier
- Oui, c’est dans le domaine de l’éducation et des livres pratiques que le livre enrichi va se développer majoritairement
- Mais cela ne signifie pas que le livre enrichi dans le domaine narratif est mort- né !
Il y a une opportunité dans la non-fiction et avant tout dans la littérature jeunesse (mais pas seulement), pour des livres enrichis, pensés dès leur conception pour le format numérique. Ces livres qui restent à inventer adresseront les lecteurs traditionnels mais aussi de nouveaux lecteurs de la génération digitale.
Le risque d’échec tient plus dans le format actuel des livres enrichis et donc dans leur mode de distribution.
A date, aucun format standardisé ne permet de produire un livre véritablement enrichi.
Quelques éditeurs se lancent dans l’aventure en publiant des applications sur iPhone et iPad. Mais même si ces applications sont pour certaines très réussies, elles sont noyées dans le maëlstrom des stores. (345K applications sur l’appstore français d’après la dernière étude de userAdgents)
Pour émerger, elles n’ont d’autres choix qu’avoir la chance d’être sélectionnées par Apple (ce qui est rare et aléatoire). A défaut, il faudrait que les éditeurs orchestrent leur lancement pour leur assurer un minimum de notoriété (communiqués de presse, campagnes de marketing direct, cross-selling, …). Lors des journées Grandes Marques organisées par l’EBG en mars dernier, le budget minimum des annonceurs pour le lancement d’une application sur iPhone était de 50K€. Des coûts de communication qui ne pourront jamais être couverts par le chiffre d’affaires d’un livre - application… et qui n’ont d’ailleurs de sens dans l’édition que pour relayer une application ombrelle d’une marque forte (comme Disney... ).
Outre ce problème de notoriété, le livre-application distribué dans un store doit faire face à un problème de pricing. Il est en concurrence directe avec les applications de jeux dont le niveau de prix est très faible (le prix moyen d’une application dans l’appstore est de 1,92€).
Faibles volumes de vente à attendre sans budget de communication conséquent, faibles niveaux de prix, coûts de développement importants, pas de business model donc en l’état actuel des choses.
La condition de réussite du livre enrichi tient donc à l’apparition d’un format standardisé qui puisse être distribué via les bookstores (d’ici 2- 3 ans ?). Entretemps, saluons les initiatives des quelques éditeurs qui défrichent ces nouveaux territoires sans pouvoir espérer de retour sur investissement à court terme ! Le livre enrichi est mort sous sa forme applicative ! Vive le livre enrichi à venir !